Le bruxisme chez les violonistes

La pratique du violon et de l’alto est la cause de troubles divers et nombreux. Les pathologies du membre supérieur sont aujourd’hui bien connues. Les caractéristiques de l’instrument de musique, les techniques de jeu influencent directement la nature des risques inhérents à la pratique du violon et de l’alto. Les troubles relatifs au maintien continu de l’instrument entre l’épaule et le cou sont tout aussi fréquents mais moins connus.

Si d’évidence les instrumentistes à vent présentent des troubles au niveau de la sphère orale qui peuvent nécessiter des soins odontologiques, les problèmes des violonistes et altistes au niveau temporo-mandibulaire sont moins bien connus et méritent d’être recherchés, à l’occasion, par exemple, d’une consultation dentaire annuelle, mais aussi dans d’autres cadres où se déploie cette prise en charge sur le plan thérapeutique (kinésithérapeute, ergothérapeute, ostéopathe, etc.) ou  non thérapeutique (professeur de musique, coach, préparateur physique, etc.). Mais pour cela, il est nécessaire que les chirurgiens-dentistes et les autres intervenants auprès des musiciens aient une bonne connaissance de ces troubles et de leur prise en charge, ainsi que de l’intérêt d’intervenir de manière multidisciplinaire.

Bruxisme et pratique du violon et de l’alto

Le bruxisme est une activité musculaire répétitive, involontaire et non fonctionnelle des muscles masticateurs que sont les muscles masséters et les muscles temporaux. Il est caractérisé soit par un serrement ou un écrasement des dents, en renforçant ou en poussant la mandibule, soit par des mouvements latéraux de la mandibule, à l’origine d’un grincement de dents [1].

Les violonistes et les altistes sont-ils plus souvent atteints de bruxisme que la population générale ? Pour répondre à cette question, des chercheurs [2] ont comparé un échantillon de 41 violonistes professionnels à un groupe témoin qui ne jouait d’aucun instrument de musique. Questionnaires spécifiques, examens cliniques et complémentaires ont été effectués.

Des études antérieures avaient mis en évidence la présence de troubles temporo-mandibulaires (TTM) plus fréquents chez les violonistes et altistes par rapport à une population témoin [3]. Ces instrumentistes à cordes présentaient une plus grande fréquence de symptômes subjectifs et de signes cliniques de TTM, tels qu’une plus grande sensibilité à la palpation, un bruit articulaire, un mouvement douloureux de la mâchoire. Le nombre d’heures de pratique instrumentale par semaine était positivement corrélé avec les signes de TTM. Ainsi la pratique du violon et de l’alto pouvait constituer un facteur de prédisposition de TTM. Une autre étude mettait en évidence une déviation de la mâchoire vers la droite plus importante chez  les violonistes et altistes que dans la population témoin [4].

occurence du bruxisme chez les violonistes
occurrence du bruxisme
chez les violonistes (73%)

Dans la présente étude, 73 % des violonistes et altistes présentaient des symptômes de bruxisme. Des modifications dégénératives de l’ATM (articulation temporo-mandibulaire) ont été observées du côté droit, principalement en raison de la déviation vers le côté droit (le côté opposé où la contrainte de la mentonnière s’exerce). Les incisives semblent souffrir d’un stress mécanique particulier avec un dommage sur la structure de l’émail de ces dents.

L’enseignement d’une meilleure posture à l’instrument a un impact positif sur l’articulation temporo-mandibulaire et est susceptible d’apporter une amélioration notable de la symptomatologie de dysfonction temporo-mandibulaire (DTM).

Les violonistes et altistes sont de manière significative plus fréquemment atteints de bruxisme. Cette étude ne relève aucune différence significative selon le nombre d’heures de pratique ou les années d’expérience des musiciens, ni selon le sexe. Il n’a pas été retrouvé par ailleurs de preuve radiographique pathologique significative entre la population des violonistes étudiés et le groupe témoin.

Une meilleure information des professionnels qui prennent en charge les musiciens est nécessaire, sans oublier les professeurs de musique et les musiciens eux-mêmes. Une posture respectueuse de la physiologie à l’instrument permettrait de limiter l’impact de la pratique sur les articulations temporo-mandibulaires [5]. La gestion de la scène et de l’anxiété inhérente à la pratique devant un public est tout aussi indispensable du fait des relations entre l’anxiété, le stress sur et cette parafonction, le bruxisme.

Violon sous les dents, bruxisme

Le bruxisme (du grec brugmos βρυγμος) signifie littéralement « grincement de dents » ; c’est un trouble stéréotypé et périodique, rythmique ou spasmodique, qui se manifeste par des mouvements de serrement ou de friction des dents généralement associés à des troubles du sommeil.

Le bruxisme s’accompagne au moins de ces trois symptômes :

  • usure des dents
  • présence de bruits dentaires (ces bruits ne sont présents que dans 20 % des épisodes de bruxisme)
  • douleur ou inconfort au niveau des muscles de la mâchoire.

On distingue deux formes de bruxisme :

– le bruxisme diurne (bruxisme d’éveil), qui se manifeste par des activités majoritairement toniques, c’est-à-dire des contractions musculaires soutenues pendant plus de deux secondes. Cela se manifeste par un réflexe de serrement de la mâchoire lors d’une situation stressante ou en présence d’une anxiété [6] ;

– le bruxisme nocturne (bruxisme du sommeil), qui est une parasomnie et une activité orale parafonctionnelle caractérisée à la fois par le serrement des maxillaires (activité tonique) et/ou par une contraction rythmique des muscles masticateurs masséters et temporaux qui se traduit par la friction des dents.

Le bruxisme diurne est considéré comme une réelle parafonction, un tic quotidien, tandis que le bruxisme nocturne trouverait ses origines au niveau du système nerveux central (SNC), avec notamment une forte influence psychoaffective [5]. Selon Carra, environ 1/3 des patients atteints de bruxisme nocturne retrouvent cette habitude en journée [6].

On distingue également :

– le bruxisme primaire ou essentiel ou idiopathique, c’est-à-dire qu’il n’est pas en lien avec une pathologie, un traitement médical ou tout autre affection socio-psychologique sous-jacente. Il s’explique par un trouble comportemental du SNA (système nerveux autonome) et se caractérise par un serrement dentaire dans la plupart des cas [6] ;

– le bruxisme secondaire iatrogène, « secondaire à une pathologie sous-jacente à des troubles neurologiques ou psychiatriques, à des troubles du sommeil, ou encore secondaire à une thérapie médicamenteuse. Il s’explique donc par une origine neuropathique et se manifeste le plus souvent par une friction dentaire [6] [7] [8] [9].

Le bruxisme est la plus fréquente des activités parafonctionnelles du système masticatoire. Selon la méthode de diagnostic, il peut toucher de 6 à 91 % de la population générale. En moyenne, les muscles masticateurs s’activent la nuit chez 60 % de la population, mais le bruxisme réel diagnostiqué par des méthodes approuvées concerne 8 % de la population adulte [5].

Auparavant, on estimait que le bruxisme était causé principalement par des interférences occlusales et des troubles anatomiques morphologiques de la structure dentaire. Aujourd’hui, les études affirment que l’occlusion exercerait une part mineure en comparaison des facteurs psychologiques. Il n’y a encore aucune preuve scientifique exprimant une quelconque relation possible entre les facteurs occlusaux et le bruxisme [10]. Cependant, les malocclusions sont tout de même suspectées, à juste titre, de jouer un rôle minime au niveau du bruxisme excentrique [6].

Ces facteurs augmentent le risque de bruxisme :

– Le stress. Une anxiété ou un stress accrus peuvent entraîner le grincement des dents. La colère et la frustration aussi.
– L’âge. Le bruxisme est fréquent chez les jeunes enfants, mais il disparaît habituellement à l’âge adulte.
– Type de personnalité. Avoir une personnalité agressive, compétitive ou hyperactive peut augmenter le risque de bruxisme.
– Médicaments et autres substances. Le bruxisme peut être un effet secondaire rare de certains médicaments psychiatriques, comme certains antidépresseurs. Fumer du tabac, boire des boissons caféinées ou de l’alcool, ou consommer des drogues récréatives peut augmenter le risque de bruxisme.
– Membres de la famille atteints de bruxisme. Le bruxisme du sommeil a tendance à se produire chez d’autres membres de la famille. Si vous souffrez de bruxisme, d’autres membres de votre famille peuvent également souffrir de bruxisme ou en avoir déjà souffert.
– Autres troubles. Le bruxisme peut être associé à certains troubles mentaux et médicaux, comme la maladie de Parkinson, une maladie psychiatrique, le reflux gastro-oesophagien (RGO), l’épilepsie, les terreurs nocturnes, les troubles liés au sommeil comme l’apnée du sommeil et le trouble de déficit de l’attention/hyperactivité.

Les conséquences du bruxisme

Il peut avoir des effets dommageables :

  • sur les structures orofaciales, des problèmes dentaires (usure, attrition et bris des dents et/ou des restaurations et implants dentaires) ;
  • sur le système musculo-squelettique (hypertrophie des muscles de la mastication et douleurs temporo-mandibulaires) ;
  • Il peut être responsable de maux de tête, favoriser des troubles posturaux.

Le traitement du bruxisme

De nombreuses thérapeutiques sont proposées, indiquant là le caractère multifactoriel de ce trouble.
Le traitement est pluridisciplinaire et en relation avec les éventuels facteurs favorisants, avec une prise en charge spécialisée odontologique, rééducative, psychologique et notamment pour le musicien avec des spécialistes de la Médecine des arts-musique.

Rédacteur Docteur Arcier pour Médecine des arts®
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Bibliographie

[1] Anaïs Maviel. Bruxisme : quelle place pour l’anxiété et le stress en soins premiers. Thèse chirurgie dentaire 2018.
[2] F. J. Rodriguez Lozano, Sdez Yuguero, A. Bermejo Fenoll. Bruxisme Related to Violin Playing. MPPA mars 2008.
[3] Kovero O, Kononen M, Pirinen S. The effect of violin playing on the bony facial structures in adolescent. Eur J Orthod 1997, 19(4) : 369-375.
[4] Hirsch JA, McCall WD, Bishop B. Jaw dysfunction in viola and violin players. J Am Dent Assoc 1982; 104 : 838-843.
[5] Wrigh EF, Domenech MA, Fischer JK. Usefulness of posture training for patients with temporomandibular disorders. J Am Dent Assoc 2000; 131 (2): 202-210.
[6] Agathe Dean. Le Bruxisme : étiologies et traitements complémentaires au port de la gouttière. Thèse chirurgie dentaire 2017.
[7] Murali R, Rangarajan P, Mounissamy A. Bruxism: Conceptual discussion and review. J Pharm Biollied Sci. 2015; 7 (5) : 267.
[8] Wieckiewicz M, Paradowska-Stolarz A, Wieckiewicz W. Pyschosocial Aspects of Bruxism. J Int Oral Health JIOH. 2014; 6 (6) : 105-9.
[9] Brocard D, Lalluque JF, Knellsen C. La gestion du bruxisme. Paris Quintessence International, 2008.
[10] Lobbezoo F, Van Der Zaag J, Baeije M. Bruxism, its multiple causes and its effects on dental implants – an updated review. Journal of Oral Rehabilitation. 2006 Apr; 33 (4) : 293-300.

Bibliographie Médecine des Arts sur les problèmes temporo-mandibulaires

Violon retrognathie

Frédéric Haïm. Rétrognathie mandibulaire du violoniste.
Revue Médecine des Arts. N°1

violoniste et bruxisme

Lionel Guilbert. Lésions mandibulaires associées à la posture chez le violoniste. Revue Médecine des Arts N°6

violoniste et risque de bruxisme

Outi Kovero Les effets du jeu du violon sur les dimensions faciales et la fréquence des dysfonctionnements temporo-mandibulaires chez les adolescents. Revue Médecine des Arts N°29

violon et risque de trouble temporo-mandibulaire

Claire Geoffroy. Les fonctions du coussin et de la mentonnière dans la pratique du violon et de l’alto. Points cles d’une enquête auprès des professeurs. Revue Médecine des Arts N° 43

violon et cou

I. Breton-Torres, C. Lefebvre, J. Yachouh, P. Jammet. Dysfonctionnement de l’appareil mandicateur, influence de la pratique instrumentale chez les violonistes et instrumentistes à vent. Revue Médecine des Arts N°69-70, 38-42

violoncelliste et risque de bruxisme

Fabienne Vuilleumier  Pratique du violoncelle et articulation temporomandibulaire, Fabienne Vuilleumier Revue Médecine des Arts N° 78, 45-61

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